Un porte-trait









Ils sont là, point. 
Un trait, à terre.
Egarés dans la foule, alignés, 
ils m'effleurent à point.
Trait à la ligne.

Me dévisagent,
 trait par trait. 
Regard fuyant la perspective.
Ils m'ont vu, au loin, 
 tirez un trait.
 Point à la ligne. 

Point d'égard, ligne effacée.
 Les voilà partis.
Point final.
Sautez un trait.
Repartez à zéro.





Collection VOLTE FACE Printemps-été 2011




CUL     -       TURE

COU    -        TURE










THINKING ABOUT CHANGING AIR


VOLTE FACE






















« Les vagues » - Virginia Woolf, un roman dépourvu de sujet

Le flux et le reflux des marées

Publié en 1931, « les vagues » se compose d'une succession de monologues intérieurs entrecroisés de brèves descriptions de la nature. Chaque personnage donne sa voix et se retire dans un mouvement rythmé qui évoque le flux et le reflux des marées. Selon Virginia Woolf «  j'espère avoir retenu ainsi le chant de la mer et des oiseaux, l'aube et le jardin, subconsciemment présents, accomplissant leur tâche souterraine... Ce pourraient être des îlots de lumière, des îles dans le courant que j'essaie de représenter; la vie elle-même qui s'écoule. » Il y a le problème de la personne et du temps, « les vagues » met en scène les états de la mer au cours d'une même journée et des journées ou nous écoutons les personnages. Ce traitement du monologue avait autrefois été pratiqué par le poète robert Browning, mais jamais, comme ici, tout au long d'un récit romanesque. Nous apprenons peu à peu à identifier les « voix », la déconstruction du personnage, dans son «caractère» au profit de l'expression poétique. Le récit retrace la vie d'un groupe d'amis ( Bernard, Suzanne, Rhoda, Neville, Jinny et Louis ), de l'enfance à la maturité. Systématiquement le procédé déjà utilisé dans « la chambre de Jacob », l'écrivain nous renseigne sur leurs personnalités respectives de façon indirecte, par les commentaires que les autres font sur chacun d'entre eux. Cette manière relève moins du « courant de conscience » que du récitatif, les personnages s'exprimant sous forme de monologues marqués par des guillemets. L'écrivain ne se soucie pas de différencier les six amis en prêtant à chacun une manière spécifique de s'exprimer. Leur individualité apparaît par le biais d'expressions ou d'images rigoureusement ordonnées. Virginia Woolf pousse la méthode de la rêverie subjective jusqu'à ses extrêmes limites. Comment faire ressortir la scène ? « On voit en bas l'eau semi-transparente; l'écume des vagues fouettées cerne de blanc les rochers, rochers tantôt secs, tantôt ruisselants de blanches cascades qui se déversent dans des crevasses ».

L'écrivain se heurte à la fuite du temps, au mensonge de la lettre, à l'inconsistance du moi. Comment parvenir à triompher de ses limitations? Le récit ne raconte plus une histoire , un événement mais photographie des états de conscience. Le langage de Virginia Woolf semble parfois diffus, dispersé, relâché et à d'autres moments il devient concentré, difficile, car elle voudrait y glisser tout le poids de l'impalpable, de l'inexprimable, la seconde nature des mots. Ses efforts la conduisent vers la recherche d'une nouvelle forme, une forme nouvelle pour un autre roman, une forme personnelle. Autant que la recherche d'une réalité plus profonde, l'écriture est pour Virginia Woolf la recherche d'une fixité, une lutte contre l'écoulement du temps, l'échappement de l'eau, le flottement des nuages. Comment fixer ces instants fugitifs ? L'écriture est une manière de fixer les éléments les plus fugitifs et de donner à l'homme une existence au sein d'une fuite perpétuelle. L'écriture est ainsi le signe d'un effort de transformation de l'éphémère en une pérennité. «  Chaque vague se soulevait en s'approchant du rivage, prenait forme, se brisait, et trainait sur le sable un mince voile d'écume blanche. »


Ainsi le mot construit car il est une tentative pour relier les êtres, les choses, l'apparence et l'invisible en un tout cohérent. Nous nous accrochons désespérément aux mots. Ils sont notre dimension dans l'écrasement des choses.  « Mais les vagues s'entassent sur moi; elles me roulent entre leurs larges épaules; je suis renversée; je tombe; je suis étendue parmis ces longues vagues, dans les allées sans fin ou des gens me poursuivent, me poursuivent... »


Nous n'avons pas toujours conscience que notre véritable lutte dans le monde se situe au niveau du langage. La solitude et le silence anéantissent. Le mot réchauffe. L'attrait exercé par Bernard provient du bouillonnement des mots qu'il porte en lui. Un mot en fait naitre un autre. La parole est infinie. Tout n'est jamais dit. Nous pouvons nous cacher derrière les mots, en faire l'écran protecteur entre la vie et nous. Nous pouvons aussi les utiliser au mieux, en faire le moteur de nos vies car ils portent en eux une charge étonnante créant la sympathie immédiate ou provoquant une froideur contagieuse. Le langage est souverain; il semble être avec le thème de la fuite du temps, l'objet principal des vagues. La quête de soi devient la quête du langage. La vague finit toujours par se briser sur le rivage. Nous ne pouvons rien contre ce rythme qui fait tout le mystère de notre univers. Le discours sombre dans le silence, s'évanouit dans l'intimité.





























































 

Les vagues- La relation au couple


Les vagues finissent toujours par se briser sur le rivage.